Arrêt sur image d'une scène de viol du film "Irréversible". |
Pour répondre à cette question, il faut d'abord revenir sur ce qu'est un viol. Sachez tout d'abord qu'au Québec, l'utilisation du mot "viol" est encore couramment utilisé, mais qu'il ne s'agit plus d'une infraction criminelle depuis 1982. Pourquoi? Car pour qu'un viol soit commis, il fallait qu'il y ait l'introduction de force d'un pénis dans un vagin; tout le reste était exclu. On excluait donc les attouchements, la pénétration anale ou la fellation forcée. On excluait aussi les agressions sexuelles d'un homme sur un autre homme, d'une femme sur une autre femme ou d'une femme sur un homme. Finalement, dans cette définition, il était impossible qu'un mari viole sa femme, car la femme avait un devoir conjugal.
Donc depuis 1982, en termes juridiques, on ne parle plus de viol, mais d'agression sexuelle, qui, elle, englobe tous les gestes à caractère sexuel possibles et inimaginables, de n'importe quelle personne sur une autre.
Ça c'est pour la clarification du bout "sexuel" de l'expression "agression sexuelle". Mais qu'en est-il de "l'agression"? Qu'est-ce qui fait qu'une relation sexuelle peut devenir une agression sexuelle? Ou qu'est-ce qui caractérise l'agression sexuelle, tout simplement?
En fait, ce n'est pas compliqué; ça se base sur une seule et unique chose: le consentement de la personne. Est-ce que la personne avec qui vous vous apprêtez à avoir des contacts sexuels consent à ce que ça ait lieu? Oui? C'est une relation sexuelle. Non? C'est une agression sexuelle. Vous ne savez pas? Vous avez la responsabilité de vérifier AVANT les contacts sexuels. Et oui! C'est à vous de vérifier qu'elle dit bien oui et on ne peut absolument pas croire que "qui ne dit mot consent" dans ce cadre-ci. Vous remarquerez aussi que les gestes posés ne sont pas automatiquement dans l'une ou l'autre des catégories. Un effleurement sur une cuisse pourrait aussi bien être une agression sexuelle que des préliminaires... tout comme un gang bang à 28! Quoi que le gang bang à 28, ce n'est plus tellement des préliminaires... :-)
Donc maintenant qu'on comprend un peu mieux la différence entre une agression sexuelle (anciennement appelée viol) et une relation sexuelle, je repose la question: est-il vrai que beaucoup de femmes rêvent d'être violées? La réponse courte est: NON!
Pourquoi ce mythe circule-t-il alors? Car on confond des concepts qui se ressemblent en certains points, mais qui on une mer de différence: le consentement!
Il est vrai que plusieurs femmes rêvent d'êtres surprises par unE conjointE, un chum/une blonde, un mari/une femme, unE amantE (ou toutes ces réponses). Elles souhaitent qu'une personne en qui elles ont confiance les surprenne; que cette personne démontre du désir sexuel et que ça se résulte en une relation sexuelle. Dans la mesure où ces femmes ont ce souhait, c'est qu'elles consentent à ce que ça se produise. Pas que ça se produise avec n'importe quelle personne (et encore moins avec un inconnu), mais que ça se produise avec une personne précise selon des paramètres précis. Ces femmes sont excitées par une forme de contrainte exercée par une personne en qui elles ont confiance; elles savent que cette personne n'outrepassera pas les limites, mais surtout, que si la personne va trop loin, qu'elle pourra dire non et que tout s'arrêtera! Donc la femme continue d'avoir du pouvoir et une forme de contrôle sur ce qui se passe. Ce n'est absolument pas le cas lorsqu'on parle d'une agression sexuelle et d'un viol.
Donc il est faux de croire que beaucoup de femmes rêvent d'être violées. Mais il est vrai que beaucoup de femmes souhaiteraient avoir une vie sexuelle plus pimentée, mais qu'elles n'osent peut-être pas l'exprimer, de peur d'être jugées ou rejetées.
Une personne qui dirait à une autre "viol-moi!" donnerait son consentement; il ne s'agirait donc pas d'un viol. Ce serait une façon inadéquate de dire "baisons intensément" ou "montre-moi à quel point tu me désir sexuellement; n'ait pas de retenue".
Voilà! :-)
8 Commentaires
***
Je trouve ça intéressant que tu prenne la peine de ne pas acoller le viol à un sexe.
C'est important parce qu'il faut éviter de donner l'impression à un sexe (hommes ou femme) qu'on lui accole une étiquette. Les gens on naturellement tendance à défendre le sexe auquel ils appartiennent, probablement pour préserver leur estime d'eux même. De sorte qu'accoler une étiquette (volontairement ou non) amène plus souvent qu'autrement à un sentiment de frustration et de rancune qui ne fait que cambrer l'autre dans ses positions
Comme tu le dit dans ton autre article plus haut, si l'on désire sensibiliser, convaincre, donner du feedback, critiquer... Il faut éviter de frustrer les gens (dans ce cas-ci, surtout les hommes) et de les camper dans leur positions sur le viol.
Pour ce faire, il y a selon moi deux façon :
1) De rappeler quelque part ton texte que ce n'est qu'une minorité des hommes qui commentent des viols.
2) De ne pas accoler la violence et le viol à un sexe - même si celui-ci est commis majoritaire par des hommes.
Au plaisir :-)
Pour ce qui est de tes deux suggestions, je souhaite amener une précision.
Quand on parle de majorité, on parle de 51% et plus et lorsqu'on parle de minorité, on parle de 49% et moins. Si on garde ce pourcentage en tête, c'est vrai que tu as raison; ce n'est pas plus de 51% des hommes qui ont déjà commis des agressions sexuelles.
Mais si on se fie aux statistiques, 1 filles sur 5 et un gars sur 10 aura été victime d'agression sexuelle avant l'âge de 18 ans au Québec. Une autre statistique: les auteurs d'agressions sexuelles sont de sexe masculin dans plus de 95% des cas...
La majorité de ces agressions sexuelles ne sont pas faites par des agresseurs en série. Je ne crois pas qu'un homme sur deux a déjà commis une agression sexuelle. Mais on ne parle pas non plus d'une faible minorité, malheureusement.
Il ya beaucoup plus d'hommes qui ont déjà posé des gestes d'agression sexuelle qu'on le pense. Le pire, et c'est difficile de l'admettre, c'est qu'on en connait tous. On en a tous dans notre famille et dans notre réseau, dans notre rue, mais on ne sais pas qu'ils ont déjà posé des gestes d'agression sexuelle. L'agression sexuelle est le crime le plus sous déclaré au Canada (moins de 10% des victimes portent plainte selon le ministère de la sécurité publique).
Je suis d'accord que tous les hommes ne sont pas des agresseurs sexuels. Mais la problématique de l'agression sexuelle implique, dans une très très large majorité, des hommes agresseurs. Il faut que ça change, mais pour l'instant, ça ne change pas beaucoup...
Merci d'avoir pris le temps de me répondre :-)
Je reviendrais sur trois points :
Premièrement, je trouve tout de même qu'il faille faire attention lorsque l'on désire sensibiliser/convaincre l'autre à l'aide d'un documentaire ou d'un texte, lors d'une conversation...
Lorsque j'allais voir ma psy (durant 2 ans environ) elle faisait attention pour placer des phrases du type "ne le prend pas mal mais..." ou "c'est pour t'améliorer que je te dis ça..." avant de me donner du feedback (de me critiquer en quelque sorte).
Inconsciemment ou non, lorsque l'on parle d'agression sexuelle, l'on vise nécessairement les hommes : Par les statistiques qui sont mise de l'avant, cas d'agression, etc. C'est correct et nécessaire. Mais, SI le but est de convaincre, il faudrait éviter que les hommes qui lisent ces articles se disent (aient des cognitions du type) :
« Encore un article qui critique les hommes ! » ou « on les mets tous et encore dans le même bateau… »
lorsque l'on essais de convaincre quelqu'un, si notre interlocuteur se sent blesser ou frustrer, alors tout le processus à été inutile !
Alors, je trouve juste que certain articles devraient user d'un peu plus de pédagogie si le but ultime est justement de sensibiliser et non de camper l'autre dans ses positions.
J'ai un peu de difficulté à croire cette statistique : Qu' 1 filles sur 5 et un gars sur 10 a été victime d'agression sexuelle avant l'âge de 18 ans au Québec.
On parle peut-être de se faire "pogner les fesses" ou autre, non ?
Bon cet articles du New York Times te donne raison :-) Mais ça me parait tout de même dur à croire, surtout en Amérique du Nord. Une femme sur cinq vraiment ? Ça fait tout de même 20 % des femmes, soit 31 millions d'Américaines sur 155 million qui auraient vécue ou aurait été incité à une agression sexuelle au cours de leur vie ?
http://www.nytimes.com/2011/12/15/health/nearly-1-in-5-women-in-us-survey-report-sexual-assault.html?_r=0
Si au Québec il s'agit de 20 % Qu'en ait-il alors en Inde ou en Afghanistan, outch !
Je veux bien être féministe, mais pas alarmiste, qu'en pense-tu ?
Ce n'est donc pas d'être alarmiste, mais d'être réaliste. Mais je suis d'accord, c'est inquiétant de prendre conscience de l'ampleur de la situation. Et il est grand temps que ça change :-)
Pour ce qui est de ton inquiétude sur les hommes et la problématique d'agression sexuelle, c'est plate d'en prendre conscience, mais c'est ça la réalité. Si une personne ne fait pas la distinction entre "la majorité des agresseurs sont des hommes" et "tous les hommes sont des agresseurs", ben... ben il faut juste lire correctement l'affirmation! Car ce ne sont pas deux phrases synonymes!
Je ne crois pas qu'on doive changer une affirmation car certaines personnes interprètent mal ce qui est énoncé.
L'énoncé est correctement formulé, mais je comprends que ça peut choquer.
Pourtant même quand ça ne va pas jusque-là, ça peut être dommageable pour une personne. Non en faits, c'est dommageable pour la personne. Sur bien des aspects psychologique en particulier. Baisse d'estime de soi, culpabilité, honte, méfiance, peurs, anxiété. Les chiffres de Sophie sont véridiques je te l'assure, j'ai lu la même chose à travers les recherches que j’avais fait sur le sujet. C'est choquant mais c'est justement parce qu'il en faut beaucoup pour que les agressions sexuelles soient prises au sérieux. C'est nous qui avons le mauvais réflexe de se taire, de faire comme si rien ne s'était passé, de culpabiliser et de se sentir responsable des agissements de d'autres personnes.
Tu sais cher Francis, je suis bien placée pour en parler. Ça fait des années que je me force à avoir des relations sexuelles malgré les douleurs. De peur de perdre les hommes que j'apprends à aimer. Et ce n'est que maintenant que je prends la mesure des impacts psychologiques que ça a eu. Je me suis détruite en le faisant. Pourtant je continue. Pas par envie. Pas par désir. Mais parce que j'ai peur. Parce que je suis insécure. J'ai appris à détester les rapprochements intimes à cause de ça. Je me crispe d'appréhension et je ne sais plus apprécier les préliminaires, ce que j'aimais le plus. J'ai appris à fuir dans ma tête durant l'acte parce que c’est la seule façon que j’arrive à faire abstraction de la douleur. Et parce que j'ai une plus mauvaise estime de moi que jamais; il y a une voix en moi qui me dis que c'est tout ce que je mérite. Il y a un côté de moi qui était consentante, ou plutôt résignée, et l’autre qui espère encore que mon partenaire m’aimera assez pour ne pas m’infliger cette douleur-là. Mais c’est moi qui suis en faute. De n’être pas capable de dire non même si dans ma tête je le hurle à tue-tête. Je suis quand même la seule à savoir ce que ça me fait vivre. C’est difficile d’en parler avec mes partenaires, j’ai comme une relation amour-haine avec eux. Je leur en veut de me faire subir ça, mais c’est plus douloureux encore de voir la déception dans leur regard quand je dis non. J’ai trop peur de les perdre en les décevant à répétition, et parce que je tiens à eux, je ne supporte pas cette idée. C’est complètement malsain j’en ai conscience. Et je pars de terriblement loin maintenant. J’ai tellement laissé la situation se dégrader que je ne sais plus dans quelle mesure j’arriverai à retrouver une relation saine avec la sexualité. Je pense que je le vie à peu près comme un viol à chaque fois.
Ça n’a pas besoin d’être fait par un inconnu brutal croisé dans un bar, ça peut être un collègue de travail, une connaissance, son conjoint. Mais c’est que ça en prends beaucoup pour qu’on accole l’étiquette d’agression sexuelle. Pourtant si tu vas voir la définition, ça englobe tous les gestes à connotation sexuelle posés sur un individu qui n’en a pas envie. C’est aussi simple que ça. On arrive pas toujours à dire non, ça ne veut pas dire qu’on en a envie. On peut se sentir un peu obligé de le faire, on peut avoir peur de la réaction de l’autre. La personne n’a pas besoin d’être violente pour qu’on appréhende sa réaction. Dans mon cas le regard de déception fait plus mal qu’une gifle quand ça vient de la personne que j’aime.
Et Sophie !