J'ai un malaise... Ça fait déjà un bout de temps, et on dirait que je ne sais pas exactement comment
l'exprimer. Comment est-il possible d'exprimer un malaise à propos de personnes tellement aimées? Que j'aime beaucoup comme artistes d'ailleurs. Est-il possible d'exprimer à la fois de l'amour et de l'admiration envers un artiste et avoir des réserves en ce qui concerne certains de ses comportements? Je vais tenter de le faire ici.
Alors voilà. Depuis plusieurs années, je suis sensible à la problématique de l'agression sexuelle, à ses conséquences individuelles et sociales. Plusieurs éléments contribuent au maintien de cette problématique, dont la banalisation des gestes à caractère sexuel envers une autre personne sans que l'autre personne ait consenti, sous le couvert de l'humour. J'ai plusieurs fois parlé du consentement pour différencier une relation sexuelle de l'agression sexuelle. J'ai même parlé de l'utilisation de l'humour comme excuse. Mais où nous situons-nous lorsque ces gestes à caractère sexuel ont lieu sur une scène? Devant une caméra? En live? Certaines personnes, dans leur métier, ont le mandat de faire rire. L'humour au Québec, ça fait vendre même plus que le sexe. Mais si on fait une joke de sexe, on a une combinaison gagnante. Je ne suis pas contre ça. Les sexologues aussi peuvent trouver drôles les jokes de sexe :-)
Là où je me mets à avoir un malaise, c'est lorsque les sketchs se mettent à déraper pour aboutir sur des contacts sexuels non désirés par l'autre personne-comédien-acteur-humoriste. Lorsqu'une des deux personnes souhaite faire rire ou réagir le public.
J'avais un certain malaise lorsque je visionnais certaines émissions ou spectacles d'humour qui utilisaient ce créneau pour faire rire. Je trouvais ça vraiment limite. Mais j'avoue que cette semaine, j'ai écarquillé les yeux lorsque j'ai vu l'extrait de SNL Québec mettant en vedette Antoine Bertrand et Pier-Luc Funk: le massothérapeute. Le sketch commence à dégénérer lorsqu'Antoine Bertrand fait le bouche-à-bouche avec la langue à Pier-Luc Funk. Mais l'escalade se rend au point où Antoine Bertrand insère ses doigts dans les fesses de Pierre-Luc Funk au travers de ses sous-vêtements, tire très fort sur ses sous-vêtements et essaye de les enlever. Pierre-Luc Funk finit par être capable de se jeter en bas de la table de massage pour que ça cesse, tout en restant professionnel et dans son rôle.
Je ne suis pas Pier-Luc Funk et je ne peux pas m'exprimer à sa place; ni ne dire comment il s'est senti, ni ne dire comment il aurait dû se sentir. Peu importe les conséquences vécues, ce que j'ai vu dans cette scène, c'est une agression à caractère sexuel dans le but de faire rire le public. Et ça a fonctionné; le sketch est celui qui a récolté le plus de votes pour cette émission.
Comment un comédien ou une comédienne pourrait réagir autrement sur un plateau de tournage ou dans une émission live? Comment dire non à Antoine Bertrand, cette bête de scène comique du Québec? Comment un artiste qui se rend sur un plateau peut-il dire non lorsqu'un des co-animateurs insiste pour l'embrasser? Comment réagir lorsque ça devient la norme du spectacle? La pression doit être plutôt forte. Peut-on alors parler d'un consentement libre et éclairé? J'ai beaucoup de difficulté à voir la réelle liberté d'un tel consentement.
Ce que je constate dans mon environnement, dans ma pratique, c'est qu'il est excessivement difficile pour les adolescents, les jeunes hommes et même pour les hommes de dire non lorsqu'un autre "budy" lui touche le pénis pour "faire une joke". Tolérer la violence sexuelle, ça semble presque faire partie de la définition de la masculinité. "Il n'y a rien là! C'est pas grave", je l'ai entendu souvent. C'est comme si le corps des hommes ne leur appartenait pas; leurs amis ont le droit de leur pogner "le paquet" pour rire et leurs amies de fille ont le droit de leur enlever leur chandail dans un party en criant aigu.
J'ai eu une réflexion cette semaine sur un sujet connexe: est-ce que l'agression sexuelle devrait être un sujet comme les autres duquel on devrait pouvoir rire? Personnellement, j'ai du mal à répondre oui. Mais dans la situation dont je parle, il ne s'agit même pas de savoir si nous devrions rire du sujet de l'agression sexuelle, mais de se questionner sur le fait que nous trouvions drôle qu'une personne, en état de vulnérabilité plus ou moins grande, subisse des gestes à caractère sexuel sans y avoir consenti. À mon sens, caméra ou pas, public ou pas, ce genre de geste ne devrait pas être tolérés ni sur un plateau de télé, ni dans l'intimité.
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Et également à l'émission les enfants de la tété.